dimanche 22 décembre 2013

Une affaire de plastique...

Contre toute attente, il vient d’apercevoir Raïssa au bas de son immeuble. Avec la nuit qui tombe, il espère que c’est vraiment elle. Sans hésiter, il fonce.
- Raïssa ! interpelle-t-il pour voir.
Elle se retourne aussitôt, le dévisageant.
- Ça alors ! Dis donc, ça fait un bye hein, remarque-t-elle, souriante.
- A qui la faute ? C’est bien toi qui m’as zappé, dit-il en s’approchant.
Ils se font la bise.
- C’est vraiment une belle surprise. Que fais-tu par ici ?
- J’habite dans l’immeuble juste devant toi.
- Ah, t’as déménagé ! C’est ce qui t’a fait disparaître de la circulation alors.
- Non, sois honnête. C’est toi qui m’as toujours refoulé.
- Peut-être bien, reconnaît-elle. D'ailleurs, tu sais quoi ? Je vais me racheter. Allez, tu me fais voir chez toi ? dit-elle en marchant déjà vers l’immeuble.
Agréablement surpris, il la rattrape. Deux ans déjà qu’il lui fait des avances infructueuses… Il a même connu l’humiliation de lui payer le taxi alors qu’elle allait voir son copain. Ce jour-là, ses amis auraient été responsables de sa mort si la moquerie tuait. Et voilà qu’aujourd’hui, le hasard les faisait se rencontrer. Occasion à ne pas rater…
- Alors, t’allais où de ce pas ? lui demande-t-il pendant qu’ils prennent l’escalier.
- Je rentrais chez moi.
- Toi aussi t’habites ici maintenant ?
- Non, je suis toujours là où tu m’as connue. Je suis venue voir une amie et je me rendais à la gare.
- O.K. Bon, on y est là.
Il lui ouvre la porte du studio.
- Voilà, entre et fais comme chez toi.
- Waouh, pas mal ! s’extasie-t-elle. Dis donc, t’as un nouveau job ou quoi ? demande-t-elle en admirant l’ameublement. Vraiment sympa, ton appart.
- Merci. Assieds-toi, invite-t-il en lui désignant le canapé.
Après, il allume la télé en prenant le soin de sélectionner l’une des chaînes qui plaisent aux filles. Ensuite, un rafraîchissement. Puis l’ambiance se détend…
- Elle en a de la chance, ta petite amie.
La phrase habituelle pour s’ôter le doute en « la matière ».
- A ton avis, que ferais-je tout seul ici un week-end si j’en avais une ?
- Quoi, t’as toujours personne dans ta vie ? s’étonne-t-elle.
- Bah non, ma jolie. Je continue de t’attendre depuis le temps que tu m’envoies valser, plaisante-t-il.
- Ah ! Ben, je suis là maintenant, dit-elle avec comme un scintillement soudain dans ses beaux yeux clairs.
Il ne sait pas si elle plaisante également. Tout ce qu’il sait, c’est qu’elle exerce sur lui le même effet depuis le temps où ils se fréquentaient au quartier. C’est vrai qu’avec le clair-obscur de son teint rehaussé par la finesse caramélisée de ses traits, elle en laisse très peu indifférents.
Avec l’idée qu’il n’a plus rien à perdre et surtout qu’il a presque tout connu en termes de ridicule avec elle, il décide de tenter le tout pour le tout. Aussi s’approche-t-il ostensiblement d’elle.
- T’es sérieuse là ?
- Quoi ? Qu’est-ce que tu fais ? dit-elle en se tassant dans le fauteuil.
- T’es là pour moi maintenant, t’as dit ?
- Mais je blaguais, voyons. On n’était même pas censés se rencontrer ce soir.
- Bah, le sort en a décidé autrement, observe-t-il sans relâcher la pression sur elle. D’ailleurs, ça fait trop longtemps que tu blagues avec moi. Il est temps de se parler franchement. Moi Je n’ai plus besoin de te dire à quel point tu me plais.
- Ecoute, pour être franche, tu présentes mieux que la dernière fois qu’on s’est vus. Je t’aurais même trouvé craquant si…
- Si ?
- Eh bien, si je ne t’avais déjà autant rejeté.
Ce n’était donc que pour une question d’orgueil, s’il comprenait bien. Non, elle n’allait pas s’en tirer aussi facilement cette fois.
- Si tu me trouves craquant, pourquoi donc continues-tu de résister ? demande-t-il en passant un bras cavalier autour de son cou.
- Je… Je sais pas comment te l’expliquer, bafoue-t-elle, prise au piège.
- N’explique rien alors, dit-il avant de l’enlacer complètement.
Les secondes d’après, les voilà en train de s’embrasser sauvagement. Le gars est déchaîné. Et Raïssa se découvre à présent, après son numéro de cache-cache sentimental. (Ah, les femmes ! Elles refusent toujours ce qu’elles vont finir par accepter.) Sachant qu’il n’en aura pas deux comme celle-là, il décide d’aller jusqu’au bout de l’occasion, glissant une main sous la robe. Aucune résistance ! Il n’en croit pas ses doigts, s’enhardissant. (Bon, je vous épargne les détails. Que ceux qui en redemandent attendent Les méandres de l’amour, Tome I à IV.) Toujours est-il que les moments qui suivent, ils se retrouvent tous deux pratiquement nus. Et c’est alors que, abruti de désir, il entreprend de passer à l’acte qu’il entend la phrase qui tue. « Attends, mets un préservatif ! » a-t-elle dit. Mais où donc veut-elle qu’un vieux « coagulé » comme lui aille trouver ce machin ? Cette exigence ne pouvait pas plus mal tomber. Mais elle a sans doute raison : on ne sait jamais…
Le voilà donc contraint d’appuyer sur pause.
- Attends, je reviens dans une minute, s’entend-il prévenir avant d’enfiler prestement son jeans.
Il sort en coup de vent, poursuivi par un gémissement plaintif de sa partenaire. Direction, la boutique d’à côté. Il aurait aimé faire plus soft, mais trop loin, la pharmacie. « Merde, y a trop de clients ! » murmure-t-il, gêné de demander le fameux accessoire devant tant de personnes. Il se met donc en retrait, bouillonnant d’impatience. Et dès qu’il n’y a plus personne, il se pointe devant la grille du mauritanien.
- Bonsoir, camarade. Une capote, s’il te plaît, demande-t-il, direct.
- C’est fini, mon ami. On vend plus ça, répond le barbu, serein comme lorsqu’il dit « y a pas monnaie ».
- Comment ça, on vend plus ?
- Tu n’es pas au courant ou bien ? On vend plus plastique dans pays-là.
« Quel analphabète, ce type ! » songe-t-il. C’est vrai qu’il a entendu parler de la nouvelle loi portant interdiction d’utilisation des sachets plastiques. Mais, à ce qu’il sait, ça concerne pas les préservatifs. Non, pas ce plastique là… Bref ! pas le temps de discuter avec ce type qui l’observe avec un regard moqueur en plus. Sur ce, il fonce à la pharmacie. Là-bas au moins, ils ont fait des études et savent ce que c’est que l’exposé des motifs d’une loi. Il y arrive au bout d’un temps interminable. Et là encore, il va devoir surmonter sa gêne, car c’est une ravissante jeune femme qui est à l’accueil.
- Bonsoir, madame.
- Monsieur, bonsoir.
- Euh… Pourrais-je avoir des… des préservatifs ?
Elle a automatiquement un petit sourire. C’est vrai qu’en le voyant débarquer avec autant de transpiration par cette nuit froide, elle a songé que soit il a une sacrée fièvre, soit il a un besoin assez urgent.
- Interdit à la vente, laisse-t-elle tomber sentencieusement. Vous n’êtes pas au courant ?
Il remue la tête, incrédule. Il a l’impression qu’il vient de passer un long moment hors du pays.
- J’ai raté un épisode ou quoi ? C’est donc sérieux, cette histoire ?
- Tout ce qu’il y a de plus sérieux, cher monsieur, poursuit-elle avec son même sourire qu’il sait à présent ironique. En fait, le plastique utilisé pour produire le condom est l’un des moins biodégradables. Il ne se détériore qu’au bout de deux cents ans…
- O.K. Merci, interrompt-il.
La dernière chose dont il besoin actuellement, c’est de recevoir un cours de physique-chimie…
Sans plus tarder, il sort, profil bas. Il aurait su cela qu’il aurait constitué un stock de ce foutu plastique. Et mille fois damnés, ces politicards qui décident de tout dans leurs petits bureaux sans jamais consulter le bas peuple. Ont-ils songé juste une seconde aux cas d’urgence comme celui qu’il vit actuellement ? Dépité, il décide de rentrer chez lui, espérant arriver à convaincre Raïssa de lui offrir un petit live. Tout à coup, le déclic ! Mais oui, Mike ! « Compétitif » comme il est, c’est sûr qu’il a un coffre-fort de capotes chez lui. Sans tergiverser, il sort son téléphone et lance le numéro de son ami.
- Allô, Mike ? Comment ça va, mon gars ?... Ouais, tranquille. Enfin, peut-être pas. Ecoute, j’ai besoin de toi. Et c’est plutôt urgent… Tu pourrais me filer une capote, s’il te plaît ? Ou plutôt deux ?... Ouais, un feu à éteindre chez moi… Ouais, partout on me rabâche que c’est sorti du commerce à cause d’une foutue loi… C’est possible ? Toi, t’es vraiment un type bien, tu sais…. Bien sûr que j’arrive !
A peine dix minutes plus tard, le voilà à l’autre bout du quartier, essoufflé.
- Dis donc, tu en fais une tête.
- Ouais, je viens de loin. Et pas qu’au figuré.
- O.K. Tiens, je t’ai pris un paquet de trois.
- Merci, tu me sauves. Bon, je file. Déjà plusieurs minutes que l’ « élément » m’attend.
- O.K. Amuse-toi bien. C’est pas une pute au moins…
- Quoi, qu’est-ce que tu racontes ? Je mange pas de ce pain-là. Bon, salut !
Chemin retour. Il aurait même pris un taxi pour rentrer s’il en avait croisé. Pas grave, avec son pas d’athlète, il atteint son immeuble au bout d’un temps relativement court.
Il s’apprête à entrer sous le porche lorsque le vigile l’interpelle. S’arrêter, c’est la dernière chose à laquelle il aurait pensé actuellement, vu ce qui l’attend chez lui. Oui, il est plutôt pressé de rentrer pour montrer à cette meuf ce que ça fait que de faire languir un mec pendant deux ans – ou plutôt deux siècles, dans le calcul d’un dragueur.
- Attendez, monsieur, insiste l’autre. C’est pour votre clé.
Sa clé ? C’est quoi cette histoire ?
Il s’arrête.
- Tenez, la jeune demoiselle avec qui vous êtes monté m’a laissé ça avant de partir tout à l’heure, dit le gardien en lui tendant un trousseau de clés.
Il n’en croit pas ses sens. Effectivement, c’est sa clé. Le comble du comble ! Raïssa vient de l’assommer cette fois. Non, non, non… c’est pas croyable ! Pour une fois qu’il l’avait à sa portée… Donc pendant qu’il parcourait le quartier à la rechercher du précieux sésame ouvrant la porte de sa forteresse intime, elle prenait la clé des champs en douceur. Quelle garce !
Abattu, il prend ses clés, se demandant même si cela vaut la peine de remonter. Dans un dernier sursaut d’espoir, il se dit qu’elle a peut-être eu une urgence et qu’il y a peut-être moyen de remettre ça. Aussi décide-t-il de l’appeler.
- Allô !
- Oui, t’as vu tes clés ?
- Le vigile vient de me les remettre, oui. Mais qu’est-ce que tu m’as fait ? On t’a appelé d’urgence ou quoi ?
- Non, juste que j’en avais marre de t’attendre. Tu sais, le sexe c’est comme le café. Faut pas laisser refroidir.
En plus, elle lui sort des proverbes maintenant. Un instant, il étouffe un juron.
- Mais, dis-moi, on rejouera ça bientôt, non ?
- Non, je crois pas. C’est des ocaz’ uniques, ces choses-là. Faut battre le fer pendant qu’il est chaud, dit-on.
- T’es une fausse go, tu sais ? ne peut-il contenir.
- Oui, on me l’a souvent dit. Et toi, tu sais que tu es le dernier des loosers ?

Il préfère raccrocher pour garder le minimum de politesse vis-à-vis d’elle. Et tout en se consolant à l’idée qu’il a au moins pu caresser son rêve impossible, il se dit qu’il hait vraiment les politiciens…

lundi 5 août 2013

Sortir de la dépendance...




 
« Son excellence Monsieur le Président de la République, (Je citai ensuite tous les autres officiels.)… chers amis jeunes, (Une nouvelle envolée de hourras m’obligea à interrompre pendant quelques secondes mon propos.) c’est un honneur incommensurable pour moi de prendre la parole en ce jour anniversaire de notre pays. Notre chère Côte d’Ivoire a aujourd’hui cinquante ans et je me réjouis de tout l’engouement qu’il y a autour de cet événement. Cinquante ans dans la vie d’une nation, c’est un bel âge pour faire le bilan. Au-delà de toute cette atmosphère festive, il importe en effet de jeter un regard rétrospectif sur la marche de notre pays. C’est le lieu de saluer la mémoire du Père fondateur qui, à travers des choix certes pas toujours unanimes, mais judicieux et parfois pragmatiques, a jeté les bases d’une Côte d’Ivoire forte et prospère. (Le moment le plus important de mon discours était arrivé : là où les autres s’étalaient en dithyrambes à l’endroit du Président de la République, moi, j’allais passer à l’offensive.) Mais, qu’avons-nous fait de l’héritage du « vieux » ? demandai-je à brûle-pourpoint en haussant volontairement le ton. Qu’on m’excuse si je peux paraître rabat-joie, mais c’est pour trouver la réponse à cette question fondamentale que la jeunesse ivoirienne m’a donné mandat pour parler et agir en son nom. (La clameur qui s’éleva depuis le pont était sans précédent de toute ma mémoire de défenseur des droits. A l’inverse, les officiels assis à quelques mètres devant moi affichaient des mines inquisitrices.) Vous dites des jeunes de ce pays qu’ils sont irresponsables, qu’ils sont immatures, qu’ils sont fous… Tout cela est peut être vrai. Mais, ces qualificatifs ne valent-ils pas également pour vous ? (Echange de regards choqués aux premiers rangs contrastant avec la frénésie des jeunes. J’avais en tout cas décidé de profiter de cette tribune inespérée pour dénoncer avec la dernière énergie l’attitude trop souvent égoïste de nos dirigeants. Et ceux qui disaient m’apprécier pour ma courtoisie allaient devoir pendant un moment se faire à la manifestation – heureusement assez rare – de ma bête intérieure.) Croyez-vous être mieux que nous ? poursuivis-je, la langue plus débridée que jamais. Ne nous avez-vous pas appris ces dernières années que la conquête ou la conservation du pouvoir par tous moyens passait avant les intérêts nationaux ? D’ailleurs, puisque vous aimez tant faire de l’histoire, au moment où le peuple était inconsolable au soir du 7 décembre 1993, ne battiez-vous pas quant à vous tous les records olympiques de vitesse pour vous précipiter au palais vous disputer le pouvoir ? Qu’avez-vous ensuite fait du prestige, de la renommée de notre pays ? De terre de paix, nous en sommes bien arrivés aujourd’hui à une véritable jungle. Oui, en l’espace de quelques années, nous avons connu quasiment tout ce que ce monde renferme comme horreurs. Coups d’Etat, rébellions, conflits armés, escadrons de la mort, charniers, assassinats, enlèvements,… La liste, vous la compléterez vous-même. Tout ce pacifisme qui nous différenciait de tant de nations et qui nous valait le respect du monde entier s’est envolé d’un seul coup sans doute pour rejoindre son initiateur. Par vos actes, vous avez bien montré au Père fondateur de la nation que vous n’aviez cure de sa culture de la paix. Cela ne vous paraît-il pas en effet paradoxal qu’il existe un prix international pour la recherche de la paix du nom de notre premier Président et que justement le pays qu’il nous a laissé soit aujourd’hui en proie à des actes belliqueux ? Apparemment, vous n’avez pas encore eu le temps d’y réfléchir. Au contraire, pour vos intérêts personnels, vous ne savez faire des ivoiriens que des martyrs. Et pour nous qui avons la chance d’être encore en vie, l’avenir est on ne peut plus ombrageux. Avez-vous jamais appris que politique et humanisme sont deux notions qui ne s’excluent pas forcément ? Sinon, essayez à tout le moins de concilier vos fonctions avec l’intérêt suprême de la nation qui est censé les sous-tendre. Trop de sang a coulé pour rien dans ce pays. Et croyez-moi, le sang des innocents finit bien souvent, on a d’ailleurs pu le noter déjà sous d’autres cieux, par réclamer celui de ceux qui le répandent. J’ose espérer que dans notre cas, la guerre de laquelle nous sortons aura vu couler les dernières gouttes de sang que cette terre absorbera jamais aussi gratuitement. Ce cri de cœur est bien entendu valable pour ceux des Etats africains ici représentés où la violence est devenue le mode d’acquisition par excellence du pouvoir. Quant à ceux qui n’ont jamais fait la sombre expérience de la guerre, j’espère qu’ils s’en garderont à tout jamais, car il n’y a que ceux qui ont connu la guerre qui savent le mieux le prix de la paix. (Le conciliabule que je vis alors au bas du podium entre les préposés à l’organisation et les membres de la sécurité me fit me dire que mon temps de parole était certainement épuisé. Ou plutôt, c’est la trajectoire de mon propos qui dérangeait. Dans tous les cas, je n’entendais pas lâcher le micro sans avoir exprimé tout le fond de ma pensée. Là-dessus, les plus observateurs avaient sans doute remarqué que depuis la « déviation » de mon discours, j’avais abandonné mes papiers, ne parlant plus qu’avec le cœur. D’ailleurs, mes collaborateurs qui avaient une copie du texte initial devaient être plus que déroutés.)
Par ailleurs, votre insouciance sur le terrain politique influe plus ou moins directement sur les autres domaines de la vie de l’Etat. Qu’est en effet devenue notre économie ? De notre état de relative bonne santé financière dans les deux premières décennies de notre indépendance, nous en sommes aujourd’hui, sinon dans le coma, à tout le moins sous sérum. Comment en sommes-nous arrivés là ? Certes, et c’est l’argument qu’on nous brandit depuis des siècles, les grandes puissances et les organisations internationales y sont pour quelque chose. Cela a indubitablement une part de vrai et là-dessus, messieurs le Directeur Général du FMI et le Président de la Banque Mondiale ici présents, pour ne citer qu’eux, ne nous diront pas le contraire. Mais, nous peuple ivoirien et peuple africain en général n’en sommes pas plus excusables. Si on a réussi à nous mettre sur la potence, c’est parce que nous avons nous-mêmes fourni la corde, mais en plus gentiment offert le cou. A la lecture des divers accords économiques signés par nos Etats avec l’Occident, on a tous la même exclamation : quel manque de vigilance ! Ou tout simplement, que de manque de caractère, de réaction voire de bon sens ! Plus largement, si la mondialisation nous évite de vivre en autarcie en nous connectant au reste du monde et donc à l’évolution, il nous importe d’ouvrir davantage les yeux sur les pièges qu’elle recèle. Coopération d’accord, mais prudence d’abord. (Assis au second rang, monsieur le ministre français des affaires étrangères en fut saisi d’une brusque quinte de toux.) De nombreux Etats, notamment asiatiques, qui d’ailleurs étaient à la traîne il y a quelques décennies, ont pu s’en tirer à bon compte. Pourquoi pas nous ? Arrêtons maintenant d’accuser les blancs qui n’ont su que profiter de nos propres turpitudes. On va même jusqu’à rendre le bon Dieu responsable de nos malheurs…, observai-je avec un triste sourire. Il est temps de se remettre en cause, car les origines de notre marasme économique sont aussi et surtout endogènes. Que de ratés en effet dans la planification de nos stratégies de développement ! Comment voulez-vous que nos produits d’exportation acquièrent réellement de la valeur ajoutée si aucune politique viable d’industrialisation n’est pensée a fortiori mise en place ? J’ai mal de voir que les ivoiriens, premiers producteurs de cacao au plan mondial, achètent hors de prix les produits qui en dérivent alors que les occidentaux, dont plusieurs d’ailleurs n’ont jamais vu de toute leur vie une fève de cacao, bénéficient en la matière de conditions plus avantageuses. Par ailleurs, qu’est-ce qui nous empêche tant d’intensifier la coopération sud-sud ? De toute évidence, les pistes sont nombreuses pour nous remettre sur les rails de la croissance et en la matière je ne suis pas plus avisé que les éminents économistes que comptent nos pays. Mais trop d’idées ont été émises qui sont restées dans les tiroirs. Il est temps de faire preuve de plus de volonté. Et passer à l’action suppose que nous nous débarrassions au préalable de ce coriace adversaire qui nous maintient les mains dans le dos : j’ai nommé la corruption. (Les jeunes gens poussèrent de nouvelles clameurs tandis que mes interlocuteurs immédiats n’en finissaient pas de rajuster qui leurs cravates, qui leur position dans les fauteuils rembourrés. D’ailleurs, alors que j’allais entamer le développement du fameux sujet, je vis un homme en costume gravir lestement les marches de l’estrade pour foncer sur moi. Mais, persuadé qu’on n’oserait pas me jeter du podium devant toutes les caméras nationales et internationales qui retransmettaient la cérémonie en direct, je résolus de ne me soucier aucunement de cette intervention.)
- Monsieur, veuillez conclure, fit-il en se penchant à mon oreille, sur un ton qu’il voulait sévère.
Je n’allais sûrement pas m’arrêter en si bon chemin…
- La corruption est l’un des maux, sinon le plus grand mal qui gangrène non seulement notre économie, mais toute notre vie, martelai-je sans le moindre regard pour l’agent de sécurité qui, embarrassé, finit par redescendre sans doute pour aller chercher du renfort ou à tout le moins demander de nouvelles instructions. Et il nous appartient, vous les premiers, de tout mettre en œuvre pour éradiquer ce fléau. Trop de détournements de deniers publics, trop de rackets sur nos routes et à nos frontières, trop de pots-de-vin et de dessous-de-table dans nos administrations… Le tout sur un beau fond d’une impunité basée elle-même sur des immunités qu’on se forge bien trop souvent en marge des dispositions légales. Et la loi, Dieu seul sait si nos magistrats en sont vraiment les gardiens… enchaînai-je pour savourer ma petite victoire sur le service de sécurité.
Bref, au delà de ce tableau politico économique des plus sombres, le constat sans doute le plus alarmant réside au niveau social, car si le peuple est dans toute démocratie l’incarnation du pouvoir constituant originaire, les peuples africains en général ne servent que de souffre-douleur aux gouvernants. Comment pouvez-vous mépriser de la sorte ceux pour qui vous prétendez exercer le pouvoir ? (A défaut d’une réponse à cette question, j’obtins de nouvelles clameurs d’encouragement.) Essayez par moments de vous rappeler sinon la totalité, au moins l’essentiel vos promesses électorales. Ce peuple qui vous a donné mandat pour le diriger n’a sûrement jamais demandé le sort qui est le sien à l’échelle du continent. Ici, nous ne demandons pas la dolce vita, mais un minimum de dignité dans nos vies quotidiennes. Ici nous voulons vivre et non plus survivre. Arrêtez donc de vous servir du peuple au lieu de le servir comme vous le promettez sans cesse avec tant d’emphase. (Le volet social était à n’en point douter le plus préoccupant, car toutes mes phrases étaient à présent ponctuées de hourras des plus fanatiques.) Nous avons besoin de centres de santé non seulement en quantité, mais de qualité. Nous ne supportons plus, surtout dans nos campagnes, de voir mourir nos parents entre nos mains seulement parce que nous avons à les transporter sur des dizaines voire des centaines de kilomètres avant le premier dispensaire. Cela est inadmissible que seuls les fonctionnaires – et pas tous d’ailleurs – bénéficient d’une assurance maladie alors qu’en sont privés les paysans qui produisent plus de la moitié de la richesse nationale ainsi que les autres catégories sociales dont les artisans, les élèves et étudiants ; tous ces infortunés constituant d’ailleurs la quasi-totalité de la population nationale. Nous exigeons également davantage d’infrastructures dont prioritairement des routes, car comme on a coutume à le dire : « La route précède le développement. » Permettez à nos parents paysans d’écouler plus facilement leurs produits en désenclavant nos villages. Nos agglomérations ont besoin d’être approvisionnées en eau potable. Les maladies hydriques font beaucoup trop de victimes parmi nous pour que nous continuions à créer les conditions de leur propagation. Dans la même optique, nous revendiquons un environnement plus sain, car de tous les produits vitaux dont a besoin notre organisme, l’air est à n’en point douter le seul qui soit à la portée de tous. Organisez alors un enlèvement et un recyclage plus efficaces des ordures  ménagères et industrielles pour que nous ne respirions plus à longueur de journée ces horreurs nauséeuses. D’ailleurs, les immondices d’ordures n’ont rien de décoratif. Et si vous pensiez le contraire, c’est que vous manquez cruellement de goût. Nos villes et nos villages ont aussi besoin d’être électrifiés. Comment comprendre que nous ayons tant de barrages hydroélectriques pour ne citer que cela et que nous soyons pour la majorité encore à nous chercher dans le noir ? Pire, nous même qui nous croyions jusque là à l’abri des ténèbres devons composer aujourd’hui avec sans doute le pire délestage que notre pays n’ait jamais connu. D’autre part, et cela est incontournable, les enfants de Côte d’Ivoire veulent aller à l’école. (Après cette énième exigence, j’entendis malgré la relative distance me séparant de la lagune, des voix scander mon nom. Mon propos devait leur sembler un discours de campagne électorale. D’ailleurs, d’après les regards des dirigeants de partis politiques que je pouvais apercevoir, ceux-ci me considéraient certainement comme un hypothétique adversaire pour les futurs combats électoraux. Quoi qu’il en fût, je n’avais guère d’intérêt pour des postes susceptibles d’altérer mon jugement et mes convictions personnelles. Tout ce qui m’importait, c’était de remettre à la lumière du jour des questions qu’on tentait perfidement de faire basculer dans l’ombre.) « L’éducation, disait un sage, est la clé du développement humain et de la construction de l’avenir. Si riche que puisse être une nation, si ses citoyens ne reçoivent pas d’éducation, elle n’a pas d’avenir. » Il faudrait pour ce faire construire plus d’écoles et au surplus reformer le système éducatif lui-même depuis la maternelle jusqu’au supérieur pour une école plus performante. Que les acteurs du monde éducatif prennent leurs responsabilités. Que les professeurs par exemple se contentent d’assumer leur fonction d’enseignement au lieu de donner dans le mercantilisme. Mon neveu me confiait récemment qu’à l’oral du baccalauréat, l’un des examinateurs lui a proposé la note de 15/20 contre la somme de cinq mille francs. (Sur ces mots, des murmures houleux s’emparèrent de l’assistance.) Où est donc passé ce culte de l’excellence, de la méritocratie ? N’y a-t-il donc plus de place dans ce pays que pour le mieux offrant ? Quelle est donc cette école qui, plutôt que le temple du savoir, tend à en devenir celui de la médiocrité et de la complaisance ? Il faudra également trouver la meilleure adéquation possible entre la formation et l’emploi. Avez-vous idée du nombre de jeunes titulaires pour la plupart de diplômes universitaires, mais qui sont réduits, pour les plus vertueux, à exercer des métiers informels ? Vous en avez sans doute connaissance. Mais ce qui est certain, c’est que vous n’en avez cure. Vous êtes pourtant prompts à dire non sans une hypocrisie mal déguisée que l’avenir appartient à la jeunesse. Mais, quel avenir entendez-vous nous confier lorsque nos conditions d’études et d’insertion sont si calamiteuses ? Croyez-vous que vous seriez là aujourd’hui, dans les fonctions que vous occupez, si l’on vous avait traité de la sorte pendant et après votre formation ? Si vous voulez que nous prenions valablement la relève, il faudra veiller à nous en donner les armes en créant non seulement le cadre mais aussi les conditions d’une formation de qualité. Bien sûr, on nous dira que l’Etat ne peut pas employer tout le monde. Créez alors les conditions de l’émergence d’un secteur privé plus conséquent, voire d’un solide partenariat Etat-Privé. De même, l’on devra plus frontalement envisager la question de la réintégration ou de la reconversion des jeunes non scolarisés ou déscolarisés. Cela, en plus de participer au dynamisme de la société nous évitera pas mal de vices. Cela dit, je ne saurai achever mon propos sans m’adresser à vous, mes amis jeunes. (Les hourras en retombèrent d’un seul coup. Mais je n’en étais pas moins déterminé à être impartial. Il fallait absolument mettre chacun face à ses devoirs.) L’avenir nous appartient, dit-on. Mais est-ce avec le comportement  qu’on nous connaît que nous rendrons le futur radieux ? Sûrement pas. Arrêtons alors de donner raison à ceux qui nous traitent d’irresponsables et même de dangereux. Il est temps de faire preuve de plus de maturité. Quels sont ces élèves et étudiants qui œuvrent, avec une imagination parfois démoniaque, à démotiver ceux-là même qui ont à charge de leur inculquer le savoir ? Quels sont ces jeunes pour qui la violence est devenue le mode le plus usuel de communication ? J’ai mal de voir aujourd’hui des jeunes défier l’autorité et aller même dans certains cas jusqu’à s’y substituer. Quel avenir croyons-nous que nous nous définissons lorsque notre premier réflexe est de porter main à nos parents, à nos aînés, à nos compagnons ? Quel avenir croyons-nous qu’il y a dans la drogue, l’alcool, la prostitution, la criminalité, le vandalisme… et j’en passe ? Que gagnons-nous à nous attaquer à la moindre occasion à la chose publique alors que nous en sommes les premiers bénéficiaires ? Pourquoi nous plaignons-nous par exemple de l’irrégularité des bus quand nous sommes prêts à y mettre le feu à la moindre saute d’humeur ? A la vérité, c’est tout le système des valeurs qui est en train de s’effondrer. S’il n’est d’ailleurs déjà dans la poussière… Si nous aimons vraiment notre pays comme nous le prétendons tant, apprenons à faire preuve d’un peu plus de civisme. Réfléchissons une seconde avant d’exécuter tout ce qu’on nous demande et ne nous privons pas de faire usage en certaines circonstances de notre esprit critique. Arrêtons de servir de bétail électoral ou de « main d’œuvre » pour de sales besognes. Si demain nous ne voulons pas faire pire que ceux que nous critiquons aujourd’hui, c’est dès maintenant qu’il faut apprendre à bien s’orienter. La sagesse n’est pas une vertu qui rime forcément avec les cheveux blancs, car comme le dit Le Cid de Corneille : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années… » Donnons-nous donc de la valeur et on minimisera nos défauts… Bref, il faudrait que nous méritions qu’on nous passe le flambeau sinon, croyez-moi, nos aînés préféreront bien l’éteindre à défaut de ne plus pouvoir le porter. (Je pris quelques secondes pour reprendre mon souffle. Au bas du podium, les hommes en costume ne paraissaient plus vouloir m’en faire descendre. Dans le public même, ce que je lus dans les regards me sembla tout sauf de l’impatience a fortiori de l’antipathie.)
Nous serions encore ici demain si on voulait faire le diagnostic complet de nos maux. Néanmoins, je me devais d’en faire ressortir sans doute les plus saillants. Le bilan de notre cinquantenaire, c’est hélas cela. Il faut saluer bien sûr les efforts qui ont été faits et qui continuent d’être faits pour nous remettre dans le sens de la marche. Mais tout cela demeure fort insuffisant et il reste tant à faire. En gros, c’est à une prise de conscience collective que j’appelle les ivoiriens et l’ensemble des africains. Ayons à l’esprit que les clés de notre développement sont entre nos propres mains. Nous avons les faveurs de la nature presque partout sur le continent. Nous avons en plus aujourd’hui des ressources humaines à même de les mettre en valeur. Tâchons d’en tirer le meilleur parti pour réduire voire rattraper notre retard sur le progrès. Ne donnons pas raison à cet homme que j’ai entendu une fois dire que les africains ont été créés pour distraire le monde, car il n’y aurait que sur le plan culturel que nous ayons quelque chose à offrir. Tâchons de nous affirmer désormais sur d’autres plans. La Côte d’Ivoire des cinquante prochaines années doit absolument être aux antipodes de celle d’aujourd’hui. A l’horizon 2060, l’Afrique toute entière ne doit plus ressembler à ce fatras de vices, de fléaux et de calamités. Sinon, la rancœur de nos descendants nous rattrapera même dans nos tombes.
Je tiens enfin à signaler que tout ce que j’ai pu dire à ce micro n’est destiné à servir aucune cause politique. Je ne suis ni l’émissaire ni l’ennemi de personne. Mais je me devais en tant que porte-parole de la jeunesse de dénoncer tout ce qui hypothèque notre avenir, car j’espère pour ce pays des lendemains meilleurs. Pardon si j’ai un peu gâché la fête. Vive la Côte d’Ivoire indépendante. Vive l’Afrique. Je vous remercie.

Extrait de "Pour des lendemains meilleurs", in 50 ans d'indépendance de la CI en 10 nouvelles, Fratmat éditions, Abidjan, 2010.

lundi 17 juin 2013

Eléphants de Côte d'Ivoire, le rachat...

Comme l'aurait dit l'ivoirien lambda, "vous avez eu la chance..."
Une victoire pour se racheter aux yeux de l'opinion nationale et internationale et faire taire les remous du vestiaire, c'est, en tout cas, le moins qu'on pouvait exiger de nos pachydermes après les dernières frasques qui ont émaillé leurs rangs. Mais bon, revenons au sport - au foot, je veux dire, puisque la lutte en est également un...
Dans le langage journalistique, on aurait dit que les éléphants se sont fait respecter hier au Benjamin Mkapa National Stadium de Dar-es-salam. Pourtant, tout n'a pas été rose dans la rencontre qu'il nous a été donné de suivre. (Hé, ivoiriens ! Vous n'avez pas dit que vous ne voulez plus entendre parler des éléphants ? Dieu vous voit...) A commencer par cette entame de match catastrophique où nous prenons un but sur la première balle de jeu. Mais, comme bien souvent, notre machine a besoin d'un électrochoc pour fonctionner. Oui, si nous avions eu affaire à un adversaire du "1/3 monde footballistique", on aurait assisté au sempiternel jeu sans envie et sans effort des nôtres lorsqu'ils sont face à plus faible qu'eux. Ce n'était heureusement pas le cas hier. Et ce but matinal nous a fait prendre toute la mesure du défi, nous obligeant à mettre beaucoup plus de sérieux dans notre jeu. Pour preuve, cette analyse poste par poste de la prestation des acteurs d'hier, côté ivoire :

1/ Copa a comme d'habitude barri, Barry a été compact et a eu surtout le compas dans l'oeil au bon moment pour nous enlever bien des balles chaudes ;
2/ Zokora, alias "Maestro", nous a dédié du grand jeu, avec toute sa maestria tant dans son nouveau rôle de capitaine que dans son activité au sein de la défense axiale ;
3/ Bamba nous a certes un peu saoûlé au départ par ses loupés, mais, finalement, Souleymane banda les muscles et bomba le torse pour nous offrir une suite de match solide ;
4/ Serge Aurier a auréolé la partie d'une maîtrise technique et tactique fort édifiante pour un nouveau venu en sélection, glanant au passage quelques lauriers ;
5/ Boka a eu la noblesse du roi Arthur et la baraka d'une Bock Solibra (merci pour la pub!...) tout au long de la rencontre ;
6/ Serey, sérieux et serein, nous a livré un match appliqué, ratissant un nombre incalculable de balles ;
7/ Gosso Gosso s'est certes récemment illustré comme un gosse, mais a eu sur le terrain l'effet d'une gousse d'ail sur les attaques vampiriques des Taifas Stars ;
8/ Yaya à qui tout réussit dernièrement a justifié que son titre de ballon d'or africain n'a pas été usurpé ;
9/ Kalou, loin du salaud qu'il sait souvent être, nous a gratifié, avec la prestance du roi Salomon, d'un jeu de haute classe ;
10/ Yao Kouassi, avec la vitesse du moteur de recherche yahoo (merci encore pour la pub !...) a fait boire du viño aux défenseurs tanzaniens ;
11/ Traoré ne s'est pas privé de lanciner à bien des moments ses vis-à-vis, se révélant le digne successeur de la Drog' des défenses. .

Les remplacements effectués ont également porté des fruits. Pour preuve :
12/ Romaric nous a offert un jeu aussi haut perché que la position du romarin par rapport aux plaines kilimandjaroénnes;
13/ Giovani Sio a été aussi insurmontable que la montagne de Sion ;
14/ Bony Wilfried a bonifié le score en portant l'estocade à l'adversaire.

Que dire du coach Sabri Lamouchi qui, avec l'insolence du cabri et la ténacité de la mouche, s'est payé le luxe du coaching gagnant en fin de match en lançant dans la partie un attaquant - futur 4è scoreur ivoirien - là où tout coach ordinaire aurait plutôt renforcé sa base défensive ou à tout le moins son milieu défensif ?

On retiendra donc qu'avec un solide alliage d'expérience, de détermination et de réalisme, les éléphants ont réussi hier le rare exploit de remporter un match de cette envergure après avoir été menés au score. Mais tout n'est pas gagné. Au dernier tour qualificatif pour le mondial de 2014, il faudra non seulement confirmer le rang de premier africain - qui tend, il est vrai, à nous servir d'oreiller - mais aussi gagner en termes de qualité de jeu. Car, à ce mondial, il sera question de passer pour une fois la phase de poules et non aller nous balader sur les plages brésiliennes...

Bon, on se quitte avec le résumé de ce beau et grand match...

 


vendredi 14 juin 2013

Ma bougie en mode "grasse matinée"...


Un an qu'il existe, mon blog... (Bon, un peu plus quand même. Depuis le 8 mai plus exactement !)
Je sais pas trop ce que vous en pensez, mais moi je me suis franchement régalé. C'est vrai que je l'ai créé au départ plus dans un souci de détente et d'amusement que pour y développer des sujets sérieux. Puis, l'appétit variant en mangeant, j'ai fini par y voir un tremplin inspirationnel - permettez le mot. Le point de rencontre des différentes personnes en moi. (D'où la phrase d'accueil... Salut, Descartes !) Se sont ainsi succédé au clavier le juriste, le comptable, le sportif, le politologue, le "néo-journaliste" (Ah, quelle grande gueule, celui là !), le littéraire pur et le littéraire-humoriste (Je soupçonne ces deux privilégiés là d'être frères jumeaux...), et peut-être des personnages que j'oublie de citer ici...
Pour tout vous dire, ce blog est plus important pour moi aujourd'hui que je ne l'aurais imaginé au départ. C'est ma fenêtre ouverte - même lorsque je ne suis pas là - sur le monde, sur mon monde immédiat et médiat. C'est à travers cette simple interface que je mesure moi-même la densité de ma réflexion et la diversité des réactions qu'elle est à même de susciter. Au passage, merci pour vos commentaires - même si j'ai remarqué que vous préférez les poster sur Facebook plutôt que de le faire directement sur le blog.
Pour l'avenir, je promets de concilier au mieux l'animation de cet outil d'échanges avec les exigences de mes vies familiale et professionnelle. Et souhaitons que je sois toujours autant inspiré...
Bon allez, soufflons cette bougie qui a un peu trop dormi !

lundi 18 mars 2013

CIE : on est au courant de votre survie...


On se croyait autosuffisant en matière d'électricité. Au point même de s'imaginer qu'on en distribuait tout autour de nous... Mais on était visiblement mal informés. 
Les coupures intempestives d'électricité - sur fond de cris stridents et agaçants de stabilisateur - font désormais partie de notre quotidien. Bonjour les pannes d'appareils - dont on sait justement que l'acquisition coûte aujourd'hui presque les yeux et leurs orbites. Et cela encore c'est si on a la chance que le retour - généralement en force - de l'électricité ne nous crée un joli petit court-circuit pour nous donner d'assister à l'agréable spectacle de notre patrimoine en train de partir en fumée. Mais la perte de biens matériels n'est sans doute que peu de chose à côté des galères physiques que l'on peut endurer : j'ai nommé les montées de chaleur et leur avalanche de dégâts cutanés, surtout pour les enfants - oh! les pauvres chéris -, suite aux coupures nocturnes. Bien plus, il faut prier pour ne pas que, au moment où l'électricité prend congé, votre vie - ou celle de l'un des vôtres - ne dépende de quelque appareil médical en marche.
Le constat est donc des plus amers aujourd'hui. 2013 ! Alors que nous sommes engagés sur la pente de l'émergence, l'obscurité nous rattrape. Plus de différence aujourd'hui entre ceux qui ont un compteur électrique et ceux qui n'en disposent pas. C'est vrai que déjà, il y a quelques années, nous avions tous déploré la vague de délestage subie par le réseau électrique national. A l'époque on avait même réclamé des têtes, tellement la population supportait mal de vivre en ce 3è millénaire une vie précoloniale. Et alors qu'on croyait tous ces désagréments derrière nous, bis repetita... (Paragraphe spécialement dédié aux pro X et pro Y qui pensent que les erreurs de parcours n'arrivent qu'aux autres, en oubliant curieusement qu'à la fin nous souffrons tous.)
Une chose est certaine : sur la question de la qualité de vie, la population n'est vraiment pas intéressée par les questions de Pierre ou de Paul. Elle exprime des besoins, elle aspire à un minimum de bien-être et elle ne demande qu'à être satisfaite. Autant elle n'hésite pas à applaudir l'adversaire politique qui lui fait du bien, elle ne se gêne donc pas pour blâmer le leader tortionnaire. En l'occurrence, elle veut être alimentée comme il se doit en électricité pour ne plus avoir à souffrir physiquement et matériellement. De plus, le défaut d'électricité est préjudiciable pour la bonne conduite des affaires de l'Etat lui-même. On a donc tout à gagner au rétablissement de la fourniture électrique existante et même à son optimisation.
Est-il besoin de rappeler que nous ne prétendons pas préconiser ici des remèdes aux décideurs et autres acteurs mieux éclairés (au propre comme au figuré). Dites donc aux gouvernants qu'au delà des propos rassurants, nous voulons voir des solutions concrètes sur le terrain. (Avant que, par l'effet de l'opportunisme commercial, nos boutiquiers ne décident par exemple de décupler le prix de la bougie, notre plus fidèle compagnon du moment...) Et aux têtes éclairées de la CIE, rappelez qu'elles devraient d'abord songer à remplir leur contrat avant de prétendre à la hausse des profits qu'elles peuvent en tirer. Sinon, il serait peut être temps qu'elles passent la main...
PS : C'est vrai que deux super héros pour couvrir 322 462 km2, c'était un peu limite. Pub à refaire donc...

lundi 11 mars 2013

La CAF : nouvel Etat africain ?


Petit rappel de droit constitutionnel, 1ère année : les éléments constitutifs de l'Etat sont le territoire, la population et le pouvoir politique...
Vu les dernières nouvelles - et même avant, il est vrai - dans la gestion de la CAF, il ne serait pas fortuit, en effet, de se demander si notre chère confédération ne remplit pas les conditions juridiques de création d'un Etat. Primo, la condition du territoire est facilement remplie car, étant une instance continentale, la CAF peut prétendre avoir pour territoire ceux de tous ses Etats membres réunis, donc celui du continent. Secundo, s'agissant de la population, elle peut également revendiquer la population footballistique du continent. (Et Dieu sait combien les peuples sont passionnés de foot sous nos cieux.) Tertio, là où la CAF ressemble vraiment à un Etat africain, c'est lorsqu'il s'agit de vérifier si la condition du pouvoir politique est remplie. Alors là, croyez-moi, les choses sont encore plus aisées à établir. En effet, à la tête de l'instance se trouve un Président ressemblant trait pour trait à ses homologues... pardon, aux chefs d'Etats africains. Cette ressemblance, il faut la voir tant au niveau physique (c'est vrai qu'ici, les dirigeants ont presque tous vu au moins l'une des deux guerres mondiales) qu'au niveau de la gestion même du pouvoir (ceci expliquant cela, s'ils ont tous des têtes d'ancêtres c'est parce qu'une fois parvenus au commandement suprême, ils s'y accrochent avec toute la fougue d'une sangsue).
Si on récapitule donc, la CAF a bel et bien tout pour être un Etat - fédéral ou confédéral en l'espèce. (Ne me demandez pas quelle en serait la capitale.) Avec à sa tête l'éternel Président Ah! yatou. Oui, que ne suis-je pas surpris d'entendre encore aujourd'hui ce nom que je connais depuis mon enfance ! Ah! yatou... A croire qu'à part ce bonhomme, personne d'autre ne peut apporter son expérience au foot africain. Tout dans sa gestion rappelle celle d'un chef d'Etat africain : phobie de la contradiction, intéressement de l'entourage immédiat (pour briser les velléités de candidature), art du tripatouillage des textes, et j'en passe. En tout cas, ce n'est pas le pauvre Jacques Anouma qui me contredira sur ce dernier point quand on se rappelle comment il a été soigneusement écarté de la dernière course à la présidence de la confédération. (En même temps, faut rappeler qu'il n'a pas été beaucoup soutenu déjà chez lui... Bon, ce qui est fait est fait, dit-on.) Toujours est-il qu'au moyen d'un tour de passe-passe dont lui et ses sbires seuls ont le secret, voilà Aaaaaaaah! yatou en train de briguer un 7è mandat après s'être offert le luxe d'une candidature unique en ce 3è millénaire. 
Sans vouloir revenir ici sur l'incongruité d'un texte juridique qui, relativement à la question du mandat, ne l'a limité que quant à l'âge (j'ai nommé les statuts de la CAF), il serait temps que les africains arrêtent de se ridiculiser de la sorte devant la face du monde. (Du monde? Peut-être pas, finalement, quand on passe également au scan les agissements de Blatter. D'ailleurs, je soupçonne ces deux là d'être les meilleurs amis du monde.) Et pour pousser la moquerie à son comble, le monarque de Garoua osera se justifier en ces termes : "Je voulais partir, mais mon équipe m’oblige à rester. Nous formons une équipe depuis plus de 25 ans, c’est dans cet esprit que j’ai accepté de me représenter (...) Et cette fois, ce sera mon dernier mandat."

Un conseil : étant donné que c'est ton dernier mandat (enfin, si tu changes pas encore les textes ou si tu t'offres pas un nouvel acte de naissance), je te suggère, pour échapper à la dépression qui suit généralement la perte du pouvoir, de retourner au pays pour titiller Paul Biya sur le terrain politique. Avec vos deux expériences en dictature, ça promet un combat de titans...