Dialogue entre deux moutons à la veille de la Tabaski...
- Eh Allah ! Si seulement demain pouvait ne pas arriver...!
- Hum, faut rêver seulement. Depuis l'instant où on t'a attaché à ce poteau, tu devais t'attendre à être sacrifié le jour de leur fameuse fête là. Moi, je suis plutôt pressé que le jour se lève pour qu'on en finisse.
- J'admire vraiment ta bravoure. Mais moi, je ne suis pas encore prêt pour mourir. Pourquoi si jeune, snifff !?
- Tu crois que les hommes ont consulté ton extrait d'acte de naissance avant de te programmer ? Laisse-moi donc rire. Même s'ils avaient eu ton petit frère, ce serait pareil. A plus forte raison toi qui as déjà commencé à chercher femme.
- A ce propos, j'ai même pas eu le temps de dire au revoir à ma chérie coco. Si je savais j'allais faire mon dernier coup en même temps la dernière fois qu'on s'est vus.
- Toi tu es vraiment bête comme mouton quoi ! On te parle de machette qui attend ton cou, et toi c'est à position de saute-mouton tu penses. Vraiment...
- Faut pas m'insulter ici hein. Toi au moins, tu as eu le temps de préparer ta succession. Moi je vais mourir sans héritier.
- Ah, tu as vu non ? Vous les petits frères, quand on vous dit de préparer l'avenir là, vous passez votre temps à utiliser des contraceptifs. Tu as vu maintenant non ?
Le plus jeune sanglote encore un moment.
- Je viens d'avoir une idée. Mais est-ce que ça là même c'est possible ?
- Raconte !
- En fait, comme ils ne mangent que la viande halal, je me dis qu'il est préférable que je me suicide. Comme ça au moins, ils ne vont pas me braiser...
- Je pensais que tu avais quelque chose d'intéressant à dire, or tu es toujours dans tes bêtises là. Qu'on te fasse frire ou que tu te suicides, mort c'est pas mort ?
- Oui, mais c'est mieux de ne pas se faire bouffer. Je préfère être enterré.
- Ou plutôt jeté dans le premier égout. Et puis, avec quoi tu comptes te suicider alors même que tu es attaché ici ?
- Je pense à trouver un poison.
- Ah, tu en vois qui traîne par ici ?
- La peinture qui est sur ce mur par exemple.
- Je vois que tu n'as vraiment rien compris au cours de physique-chimie du maître Boigny. Qui t'a dit que la peinture est un poison ?
- Juste pour tenter voir.
- Ecoute, rends-toi plutôt utile. J'ai le dos qui me démange actuellement. Pardon, faut passer derrière moi tu vas gratter un peu.
Le jeune mouton s'exécute. Et tout à coup, il a un éclair.
- Grand frère, je crois que je viens de trouver l'idée qui va vraiment nous sauver !
- Pardon hein, je suis fatigué d'écouter tes âneries.
Le petit fait à peine attention à l'humiliante comparaison avec l'âne, plutôt lancé dans sa dynamique salvatrice.
- Ecoute-moi, je t'assure que tu vas pas regretter.
- Ouais, cause toujours.
- Voilà, vu ma position actuelle, je me dis que les hommes seraient tellement choqués s'ils nous trouvaient en train de nous accoupler qu'ils nous relâcheraient sans hésiter.
Le plus âgé marque son admiration par un bêlement des plus saccadés.
- Pas mal, ton idée ! T'es pas si bête que ça finalement. Oui, déjà qu'ils condamnent l'homosexualité entre humains, c'est pas en nous voyant faire ça qu'ils auraient envie de nous manger... Mais entendons-nous bien, c'est juste parce qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort hein, sinon moi aussi je suis homophobe.
- Et moi donc ! Tu penses que ton popotin bizarre là m'attire vraiment ? D'ailleurs, je te cède la place du mâle dans cette affaire.
- Est-ce que tu as le choix ?
- C'est juste parce que je n'ai pas envie de sentir ta bourse pendouiller.
- O. K. On commence dès le lever du jour. Essaie de ne pas trop dormir.
- Sinon, tu sais comment me réveiller, non ?
Et, ragaillardis, ils attendent patiemment le chant du coq pour infliger à leurs tortionnaires le choc de leur vie...