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vendredi 30 octobre 2015

Conférence de presse post-électorale (2ème partie)


- Voilà, retour sur ce plateau pour poursuivre nos échanges avec les candidats aux récentes élections présidentielles. Si vous venez de nous prendre en marche, sachez que vous suivez en direct la conférence de presse post-électorale, la première émission qui donne la parole à tous les candidats réunis au même endroit pour livrer leurs impressions et leurs émotions suite aux résultats du scrutin. Tout à l'heure, avant l'interlude musical, nous venions d'échanger avec le trio de tête. Nous allons donc nous tourner à présent vers ceux qu'on pourrait qualifier de "petits candidats" puisqu'aucun n'aura réussi à obtenir même 1% des suffrages exprimés. Alors, madame Lagou, votre message féministe n'a apparemment pas trouvé beaucoup d'oreilles attentives.


- Voulez-vous dire que les femmes de ce pays sont mal entendantes ?
- Ce sont plutôt les urnes qui semblent le dire...
- Eh bien, le seul enseignement que je tire de ces élections, c'est que nous sommes dans un pays de machos. Oui, les hommes sont encore dans la vision phallocratique de la société : les femmes dans la cuisine, les hommes au boulot. Et c'est dommage. Moi, j'avais pourtant de grands projet pour ce pays...
- Vous pourriez remettre ça en 2020, qui sait ? 
- Si d'ici là, les hommes de ce pays changent leur vision de la gestion des affaires politiques en considérant le rôle de la femme.
- A vous entendre, on dirait qu'aucun homme n'a voté pour vous. De même qu'aucune femme n'a voté pour les candidats de sexe masculin. Est-ce que tout se résume à la question du genre finalement ? Parce qu'on a déjà l'impression que concept devient has been...
- Tout est une affaire d'hommes et de femmes dans la gestion de la vie en communauté. Pourquoi voulez-vous donc que l'on s'en démarque ? Vous avez l'intention d'introduire un troisième genre dans la société peut-être. Ou alors vous êtes l'ami des homosexuels...?
- Euh... Je crois que les Ivoiriens ont compris la substance de votre propos. Nous allons donc vous remercier pour le déplacement et passer au candidat suivant. Monsieur Konan Kouadio Siméon dit KKS, vous allez bien ?

- Oui, monsieur le journaliste. Je me porte comme un charme ? répond le candidat malheureux avec sa légendaire sérénité.
- J'ai envie de vous dire que la prophétie ne s'est à nouveau pas accomplie...
- Le temps est l'autre nom de Dieu.
- Sûrement. En plus, c'est vrai que vous êtes relativement jeune. On pourrait donc vous retrouver dans la course en 2035 par exemple.
- Ou même en 2100, je vous le concède. Dans tous les cas, ce que Dieu a révélé finit toujours par s'accomplir. Et je sais que je dirigerai un jour ce pays.
- Vous savez quoi ? Moi, je vous crois. Et je crois même que vous serez le meilleur président de ce pays, tout simplement parce que vous aurez eu tout le temps d'observer la gestion des autres et d'en tirer les leçons.
- La patience est un chemin d'or.
- Oui, oui. Justement quand le chemin est trop long, on dort.
- Épargnez votre humour de mauvais goût aux Ivoiriens. On nous suit en direct là.
- O. K. Pour être plus sérieux, comment allez-vous pouvoir tenir jusqu'en 2020 alors que vous avez refusé les 100 millions gratuits pour la campagne ?
- Dieu pourvoit toujours aux besoins de ceux qui croient en Lui. Je n'ai donc aucune inquiétude à ce sujet, cher ami.
- O. K. Je vois. En tout cas, Jesus revient bientôt. Espérons que vous prendrez le pouvoir avant Son retour.
- Oui, oui. Il m'a dit que c'est moi qu'Il attend, réplique froidement l'homme politique, la mine toujours d'une impassibilité déconcertante.
- Ah, je vois, dit le journaliste, réalisant qu'il y a plus fin ironique que lui. O. K. Nous nous adressons à monsieur Gnangbo Kacou à présent. Vos impressions, Honorable monsieur le député ?


- Je tiens d'abord à remercier toutes les personnes qui m'ont accordé leurs voix. Elles ont, par cette occasion, donné un sens à mon combat.
- Zut, on aurait vite su qu'on les aurait toutes convoquées ici pour que vous les remerciiez individuellement. Cela n'aurait pas pris beaucoup de temps en plus...
- J'ai l'impression que vous me cherchez là, cher ami. Je vais vous niquer, vous savez, menace le candidat. Je ne vais pas accepter que vous me tourniez en bourrique devant la population, parce que j'ai remarqué que vous êtes devenu très ironique depuis qu'on a commencé la seconde partie de cette émission. 
- Toutes mes excuses, mais c'est un peu cela aussi le sens de cette émission : montrer qu'on peut finalement rire de tout, même de la défaite ; et inculquer aux Ivoiriens une approche moins dramatique de la chose politique.
- Soit, mais faites attention au choix de vos mots.
- D'accord, d'accord. Alors, qu'en est-il de vos projets de fédéralisme ? Vous ne craignez pas que de telles idées accentuent les replis tribaux pour un Etat comme la Côte d'Ivoire ?
- Non, pas du tout. Le fédéralisme permet plus de développement local. Prenez l'exemple de l'Union Européenne.
- Oui, c'est vrai que c'en est un exemple fort éloquent, commente le journaliste avec un fin sourire. Eh bien, merci monsieur le député pour votre participation et rendez-vous bientôt à l'hémicycle pour d'autres belles idées.
- C'est moi qui vous remercie.
- Nous interrogeons à présent la seconde dame en lice dernièrement pour briguer la magistrature suprême. Eh bien, chère madame, on va dire que cela n'a pas été une sinécure ?


Immobilité corporelle, fixité faciale, mutisme tonitruant...
- Madame Kouangoua, vous êtes avec nous ?
- Oui, oui, bien sûr. C'est juste que je n'ai pas très bien compris votre dernier mot là. C'est... C'est un peu complexe quoi.
- Je disais juste que le scrutin n'a pas été facile pour vous.
- Ah oui, rien n'est facile dans la vie. Surtout en politique, monsieur.
- Je ne vous le fais pas dire. Justement, si l'on se réfère à votre slogan "Gouverner autrement avec Claire pour y voir plus clair", l'on serait tenté de dire que vous n'y avez vu que du feu finalement.
- Non, on n'a jamais parlé de feu dans notre programme de gouvernement. C'est vrai que nos parents en campagne vivent les ravages des feux de brousse, mais la solution ne viendra pas du palais présidentiel.
- Oui, on a pu le noter. D'ailleurs, pour parler des solutions que vous comptiez proposer une fois au palais, force est de dire qu'il n'y en a pas une tonne finalement.
- Et la tonne de cacao, vous en faites quoi ? Nous étions prêts, une fois au pouvoir, à revaloriser le tonnage de nos productions en matière de cacao et même de café, d'anacarde et tout ça. On voit que vous n'avez pas bien lu notre programme.
- Oui, vous avez sûrement raison. J'ai un problème de lecture s'agissant de votre programme de gouvernement. Mais bon, puisque vous semblez avoir mis un accent particulier sur tout ce qui est agriculture, moi j'ai envie de vous dire ce qu'on dit couramment à tous ceux qui rencontrent des problèmes d'insertion en ville : retournez à la terre.
- Oui, oui, je passerai le bonjour à votre grand-mère.
- La régie, une autre plage, s'il vous plaît, avant de passer à nos trois déserteurs...



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