dimanche 30 novembre 2014

Une autre affaire de plastique...

Cette fois, c'est officiel ! Le décret portant interdiction de la production, de l'importation, de la commercialisation, de la détention et de l'utilisation des sachets plastiques est entré dans sa phase d'application. Fabricants et utilisateurs n'ont plus d'excuse, car le temps leur a été donné de se débarrasser de toute trace de plastique. Déjà même, des arrestations de contrevenants se comptent par dizaines. Pour ceux qui croyaient encore qu'il ne s'agissait que d'un jeu...

Comme à ses habitudes, monsieur Lambda descend du boulot entre 20 et 21 heures. Il fait partie des "surveillants du Plateau", comme le grand public aime à désigner les derniers travailleurs du centre des affaires.
Pour raison de voie en réfection, son taxi le descend à la station Pétro Ivoire, à quelques centaines de mètres de chez lui. Après avoir réglé la course, il se remet dans le rôle de piéton. Se dépêchant d'arriver à la maison pour au moins suivre les résumés des matchs de la soirée dans Le Mag UEFA.
Mais, alors qu'il atteint le dernier carrefour avant chez lui, il est interpellé par un coup de sifflet.
- Oui, c'est bien de vous qu'il s'agit, dit le policier comme monsieur Lambda cherche autour de lui le destinataire de l'injonction.
- Moi ? ... O. K., répond-il en s'arrêtant, intrigué.
En quelques foulées, le policier arrive à sa hauteur.
- Qu'est-ce que vous faites avec ça ? demande-t-il, le regard braqué sur le sachet que l'homme en costume tient en main.
- Ah ! ça ? dit-il en forçant un petit sourire. C'est des... Enfin, ça contient des...
- Je ne parle pas du contenu. Mais du contenant, interrompt l'homme en uniforme.
"Vraiment calé en français, ce type", songe Lambda. S'il comprend bien, le policier parle du sachet. Shit ! Il sentait bien que ce petit cordonnier du bas de la tour B lui attirerait des ennuis en mettant ses chaussures dans un sachet, bleu de surcroît. Mais il se regarde et se dit que ce serait vraiment con de se faire arrêter pour ce petit sachet qu'il avait espéré dissimuler aux regards en profitant de la nuit. En plus, des passants ont commencé à s'intéresser à la scène, et Lambda songe au ridicule de se faire embarquer dans le beau costume qu'il porte. Mais c'est alors que lui vient cette inspiration complètement surréaliste.
- Vous parlez du sachet ?
- Exactement. C'est interdit. Vous êtes au courant ?
- Et qui de mieux placé que moi pour le savoir, hein ? dit-il en toisant le flic du regard. Je suis biochimiste au ministère de l'Environnement. Et j'emporte avec moi cet échantillon en raison d'une coupure d'électricité survenue au labo pendant que j'évaluais son taux de biodégradabilité..
- Ah ! répond simplement le policier. Et j'imagine que là vous allez achever l'analyse chez vous à la maison.
- Non, bien sûr que non. En fait, j'ai emporté le sachet pour éviter que mes collègues y touchent avant mon arrivée demain matin au labo. C'est jamais bon de manipuler un échantillon en traitement.
- O. K. Allez-y alors. Et pardon pour le dérangement.
Monsieur Lambda n'en croit pas ses oreilles. Son baratin a donc marché ? Non, ce flic lui paraît bien trop malin pour tomber dans le panneau aussi facilement. Sans doute, est-il en train de le tourner en bourrique. Mais en même temps, il se dit qu'il a peut-être trop surestimé le degré de rationalité de l'agent qui aurait pu lui demander par exemple sa carte professionnelle.
Sans tergiverser plus longtemps, il se dépêche donc de reprendre son chemin, le pas plus leste.
- S'il vous plaît, entend-il soudain derrière lui alors qu'il n'a même pas fait dix mètres.
Il s'arrête net, constatant qu'il s'agit du même policier qui l'a interpellé. Et là, il se dit qu'il est cuit... L'agent le rattrape tandis qu'il songe que sa sanction sera plus lourde parce qu'il a tenté de le berner.
- Rendez-moi un service. Lorsque vous arriverez demain à votre labo, analysez ce machin pour moi, dit l'homme en lui tendant un objet qu'il vient de sortir de la poche de son uniforme.
S'en saisissant, Lambda découvre avec surprise qu'il s'agit d'un paquet de préservatifs.
- Il paraît que plus c'est bon marché, moins c'est fiable, explique l'agent.
Le "biochimiste" n’esquisse qu'un sourire de soulagement avant de disparaître dans l'obscurité, songeant qu'avoir de l'imagination ça sauve parfois...